Jellyselfish

2024

Jellyselfish se veut questionner cet « autre soi » que nous représentons et mettons en scène par l’image, sur les réseaux sociaux, sur nos cv ou dans nos albums photos, et ce, grâce à nos téléphones intelligents, nos gopro, nos insta360, nos caméras, nos APN. Quelle est cette figure de soi que nous élaborons progressivement et que nous faisons évoluer dans un monde virtuel, et finalement, imaginaire ? Quel est ce nouveau rituel théâtralisé qui se complexifie toujours un peu plus auquel nous nous adonnons chaque jour ? Comment nos corps sont affectés par la mise en scène permanente de soi sur un écran ?

Jellyselfish est une proposition de Dodescaden.


De et avec Laurence Maillot, Nathalie Masseglia, Jeremy Demesmaeker, 

#Performeurs : @Laurence Maillot, @Nathalie Masseglia @Jeremy Demesmaeker,

#Caméraman et performeur : @Baptiste Buob

#Échanges et réflexions autour des dramaturgies : @Carl Lavery, professeur en Performance Studies à l’University of Glasgow.


#Production : Mali Kadi - Cie Dodescaden

#Coproductions : Labex Les passés dans le présent dans le cadre du Projet (Re)play it again : reenactments et non-reconstituables (RePiT)

SCENE 44 n+n Corsino 


#Accueil résidence 

Le Lavoir Théâtre – Menton,

Scene44 n+n Corsino

AMACCA de la Roya dans le cadre de rouvrir en territoire,

Marseille Objectif Danse à Marseille 




Institutions responsables : Histoire des Arts et des Représentations (HAR) — EA 4414, UPN et le Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (LESC) — UMR 7186, UPN-CNRS)

@SCENE44 n+n Corsino – Marseille

@The Hunterian - University of Glasgow





#Partenaires : France

@AMACCA de la Roya

@LAvoir Theatre Menton

@SCENE44 n+n Corsino – Marseille

@Marseille Objectif Danse 


#Partenaires : International

@ The Hunterian - University of Glasgow

@CCA — Center for Contemporary Arts de Glasgow


#Tutelles

@Drac Paca : « Rouvrir en territoire » et aide au compagnie Chorégraphique @Ville de Marseillle aide au projet

@Région Sud :Carte blanche aux artistes


Résidences

05.2022 (14-19), Tournus : Projet RePIT : résidence comité artistique et scientifique 09.2022 (2-9), Tournus : Projet RePIT : résidence comité artistique et scientifique 10.2022 (29-2), Tournus : Projet RePIT : résidence comité artistique et scientifique 11.2022 (14-18), Beaux-Arts de Marseille (ENSEAMM) : Workshop « Les Maîtres.sses du désordre »

12.2022 (9-12), Tournus : Projet RePIT : résidence comité artistique et scientifique

02.2023 (14-18), University of Glasgow : Masterclass avec étudiants section Théâtre 05.2023 : Revue Théâtre Public : proposition article co-écriture Laurence Maillot, Jeremy Demesmaeker, Baptiste Buob

07.2023 : AMACCA : « Rouvrir en territoire » : résidences atelier dans la Vallée de la Roya – avec l’AMACCA de la Roya

09.2023 : Paris Nanterre  : résidence création « Jelly Selfish », Marseille

12.2023 : CCA — Centre for Contemporary Arts of Glasgow : Performance « les Maîtres Fous Reloaded »

Advence Research Center : worskshop « Les Maitres Fous » - section art du spectacle

02.2024 : Lavoir Théâtre : résidence de finalisation Dispositif Éclosion

02.2024 : SCENE44 n+n Corsino : résidence création « Jelly Selfish », 

03.2024 : MArseille Objectif Danse : résidence de création « Jelly Selfish », 

04.2024 : MArseille Objectif Danse : résidence de création « Jelly Selfish », 

05.2024 : CCA — Centre for Contemporary Arts of Glasgow : représentation création “Jellyselfish”

05.2024 : Lavoir Théâtre : représentation création  Dispositif Éclosion

10.2024 : SCENE44 n+n Corsino : résidence et représentations création « Jelly Selfish », Marseille


Marseille 04.2025 : Revue “Performance Research” : proposition article co-écriture Laurence Maillot, Jeremy Demesmaeker, Baptiste Buob

Jellyselfish est une performance chorégraphique filmée et filmante qui interroge la place de l’image dans notre rapport au monde aujourd’hui. Comment l’attachement à l’image, à la mise en scène permanente de soi s’infiltre en nous et façonne nos corps ? Jellyselfish pour « gelée d’égo » ou « gelée de moi », un drôle de mot qui contracte Jelly fish (méduse, personne veule) et selfie (égo-portrait).


Dans un dispositif qui fait appel à l’imaginaire des réseaux sociaux et balisée d’anneaux de lumières, (des « ring light », lumières utilisées pour les selfies), trois performeurs se retrouvent au cœur d’une scène circulaire face à l'oeil d’un caméraman. Tour à tour, seul et ensemble, champ et hors champ, entremêlement des regards et des corps engagés pour une forme de pas de deux. 


Nous sommes dans une arène, un ring, tel un taureau et son toréador, à la recherche d'un instant (de grâce) commun, une communauté de l’instant présent. Il s’agit de faire émerger des figures paradoxales, burlesques et terrifiantes, construites à partir des nouvelles forces de pouvoir à la fois oppressantes et porteuses de phantasmes qui gouvernent notre société contemporaine.


Et peut-être, tenter cette bascule : celle de faire surgir des figures construites sur nos forces de désir, de faire émerger des figures, non pas forcément oppressantes, mais des forces de potentialité, des figures d’un futur possible, des figures qui portent en elles un potentiel émancipatoire, qui portent en elles un potentiel de transformation du monde, un potentiel de résonance avec le monde. Invoquer les figures de résistance pour trembler avec le monde.





Nous rapprochons rituel et performance, rituel et virtuel, car il partage, selon nous, un même vocabulaire : espace commun (entre les performeurs et le public), apparats, improvisations sur la base d’une partition-canevas-score, composition en temps réel, engagement corporel, état de conscience modifié, états de corps particuliers et dédiés, transe, possession contemporaine, nouvelles forces et figures de pouvoir, images, regard anthropologique, caméra, totem.

#RePiT (Re)play it again : reenactments et non-reconstituables

La performance Jellyselfish s’inscrit dans le projet Repit qui réunit un comité composé d’artistes et de chercheurs sur la question du reenactment. Jusqu’au printemps 2024, ce comité se réunira pour différents temps de travail commun. L’échéance du projet RePIT porté conjointement par le LESC (laboratoire d’ethnologie UMR 7186 CNRS Paris Nanterre), HAR — Histoire des Arts et des Représentations – EA 4414 – UPN, l’Université de Glasgow et le centre d’art de Glasgow prendra des formes multiples : écrits, performances, installations. Ce programme de 2021 à 2024 sera ponctué de masterclass, conférences, séminaires en ligne, en présentiel pour une première finalisation en mai 2024 au CCA de Glasgow avec entre autres les différentes propositions artistiques.


#Comité de projet :

Annette Becker, PR émérite, HAR (UPN), Christian Biet, PR, HAR (UPN), Thibaut Brouillet, MCF, Licaé (UPN), Baptiste Buob, CR, Lesc (UPN-CNRS), Laurence Maillot et Jeremy Demesmaeker Compagnie Dodescaden, Laetitia Delafontaine et Greg Niel artiste et enseignante (MO.C. ESBA), Gregory Delaplace, MCF, Lesc (UPN-CNRS), Carl Lavery, PR, Université de Glasgow, Sarah Pierce & Gerard Byrne, artistes, Christophe Triau, PR, HAR (UPN), Karel Vanhaesebrouck, Chaire Arts du spectacle vivant , ULB


#Partenaires étrangers :

CCA — Center for Contemporary Arts de Glasgow, Chaire d’art du spectacle vivant — Maison des arts – Université Libre de Bruxelles, Hunterian Museum & Art Gallery — Université de Glasgow, Université de Glasgow — Département des arts du spectacle


#Partenaires français :

CIRB — Centre for Interdisciplinary Research in Biology – UMR 7241 CNRS- Inserm-Collège de France Amaury Lambert, Diade — Diversité-Adaptation- Développement des plantes – UMR 232 – IRD-Univ. de Montpellier, MO-CO. ESBA — Montpellier Contemporain. École supérieure des Beaux-Arts, Licaé — Laboratoire sur les interactions cognition, action, émotion – EA 2931, Compagnie Dodescaden – Compagnie chorégraphique dirigée par Laurence Maillot et Jérémy Demesmaeker.

Note d’intention

#Des « Maitres fous » aux rituels contemporains : une forme d’agentivité (1)

Depuis toujours, nous devons faire face à un monde en perpétuel changement qui subit de multiples bouleversements. Depuis toujours, nous tentons comme nous pouvons de « conjurer le sort » par des rituels, par des croyances animistes et religieuses, par la philosophie, l’anthropologie, l’art pour tenter d’y comprendre quelque chose. Avec les différentes crises que nous traversons sans cesse depuis quelques années, on peut observer dans toutes les franges de la société, la recherche de nouveaux espaces d’« extraction » du monde qui prennent pour certains, la forme de rituels réactualisés (comme pour le néo-chamanisme par exemple). Ceux-ci se créent, se réinventent et se réadaptent chaque jour pour semble-t-il mettre un peu de distance face au sort.

Les Haoukas, filmés dans le film « Les Maitres Fous » de Jean Rouch en 1954 au Ghana, réactualisaient eux aussi alors un rituel de possession traditionnel pour l’adapter au contexte politique et social de leur époque et de la colonisation. Ainsi, les esprits animistes de la forêt ont progressivement été remplacés par de nouvelles forces de pouvoir, plus puissantes et plus actuelles selon eux, à savoir les figures symboliques des pouvoirs anglais (le gouverneur, la femme du médecin, le conducteur de locomotive, le chef des armées etc.) De manière singulière, en les incarnant, ils mettaient à distance l’oppresseur colonisateur, et en le caricaturant, ils prenaient possession de leur force pour un temps. Jean Rouch définissait ces espaces : « espaces du délire », des espaces temps où le fou côtoie le savant, où le fonctionnaire côtoie l’artiste et permettent par ce fait un certain rééquilibre dans la société qui les pratique. Les Haoukas créent donc, par ce rituel qui s’invente progressivement, une satire politique et sociale dans laquelle ils font émerger dans et par leur corps, les nouvelles forces de pouvoir en jeu de leur société.

#Possession contemporaine

Selon cette hypothèse que nous comprenons dans le film de Rouch, qu’une cérémonie de possession peut être un espace commun dont les règles s’inventent et s’élaborent progressivement, à l’intérieur duquel des acteurs construisent et incarnent, selon leurs propres préoccupations, des figures « monstrueusement » contemporaines, quelle serait alors notre cérémonie de possession aujourd’hui ? Quelles seraient ces nouvelles forces qui nous possèdent que nous pourrions invoquer pour les mettre à distance dans un espace commun, dans un espace du délire ?


(1) Agentivité au sens du terme anglais agency, qui désigne la capacité des sujets à agir sur leur réalité sociale.


#De nouvelles forces de pouvoir

A l’heure d’Instagram et des réseaux sociaux, l’œil de la caméra a envahi notre espace quotidien aussi bien intime que professionnel et que ce soit celui de notre smartphone jusqu’aux caméras de surveillance. Il définit un certain rapport au monde et au vivant. Il donne à voir d’une manière unique un champ de vision subjectif. Ce qui est regardé filmé, n’est que la pointe d’un iceberg, le hors champ « réel » est bien souvent tout autre. On quitte aisément notre réalité pour se laisser aller dans un virtuel qui se prétend sublimé. Dans le même temps, nous filmons et photographions de plus en plus ce que nous vivons, d’abord pour se souvenir, pour dire qu’on était là, pour capturer un instant rare, pour garder mémoire, pour archiver.

Ces dernières années, ce rapport à l’image s’est fondamentalement transformé. Nous vivons pour la plupart une mise en scène permanente de soi face et derrière une caméra; on devient tout à la fois voyeur, narcissique, critique, rapporteur d’événements et d’une certaine manière, rapporteur du temps. On passe d’une capture du temps présent de la photographie à une personne se vivant filmant et filmé dans le présent.

Notre présent virtuel se crée comme un tableau. On constitue avec nos corps et notre environnement une sorte nouveau monde, un « sur-monde » parallèle qui se peuple successivement d’images fixes ou animées mais toujours partielles, fragmentées et incomplètes. On sublime notre représentation d’un temps présent que nous fantasmons. Ce surnaturel devient peu à peu une norme, une façon de vivre, une, voire « LA » manière de voir. Les filtres photo du début à visée esthétique, viennent renforcer ce contraste avec la vie réelle. Même en s’en excluant, ce monde virtuel devient une référence à prendre en considération, un passage obligé pour qui veut développer un projet quel qu’il soit. La famille Kardashian pour l’exemple a imposé progressivement, par la mise en scène de soi et par l’image, une certaine forme d’esthétisme et esthétique du corps féminin, un corps chirurgicalisé, un corps transformé. C’est d’autant plus troublant que cela pourrait être une définition des corps que l’on peut observer dans le rituel Haoukas. Mais « les K » ont également inventé et imposé une nouvelle forme de business (jusqu’à en influencer le cours de la bourse), une nouvelle forme de publicité et tout autant qu’une manière d’être au monde. Alors aujourd’hui, on n’en est plus à chercher à se débarrasser de l’ambivalence de notre smartphone ou des réseaux sociaux qui nous enfermeraient autant qu’ils nous libèreraient, on sait que nous devons dorénavant faire avec. « Faire avec » ces espaces virtuels développe également des espaces de possibles, de résistance, de révolte, de revendication, et d’émancipation tout autant également de propagande.


#Reenacter les Maitres Fous en 2024 : « Jellyselfish »

Jellyselfish est donc une performance chorégraphique filmée et filmante. Ici le rituel de possession qui cotoyait ce que les anthropologues appellent le « surmonde » et les esprits de la surnature, est progressivement remplacé par un surmonde virtuel. On retrouve les mêmes apparats flamboyants, les mêmes corps augmentés, la recherche et la création de son avatar et de son être au monde virtuel, la communication avec les esprits virtuels tels que les nouvelles I.A désormais en ligne2 Il s’agit de trouver le moyen, sans doute, utopique de s’emparer de cette nouvelle force de pouvoir, de cette virtualisation de nos vies et du monde, et de tenter de faire émerger de nouvelles formes contemporaines qui se constitueraient d’une forte dose de narcissisme, de mise en scène de soi, d’images, d’état de corps modifiés, de corps sublimés. Celles-ci ne peuvent se révéler bien sûr qu’avec l’aide d’un caméraman lui- même performeur avec au poing, cette caméra « catalyseur d’état » comme la définissait Jean Rouch. Cette caméra qui met celui qui filme et celui qui est filmé dans un état qui n’est plus tout à fait le même et qui permet un possible surgissement de l’inattendu.

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