Laurence Maillot et Jeremy Demesmaeker

Dodescaden : écritures chorégraphiques

« Créer des espaces du délire où le fou cotoie le philosophe ou le fonctionnaire et c’est toute la communauté qui en profite » Jean Rouch

Dodescaden est une compagnie basée à Marseille dirigée par Laurence Maillot et Jérémy Demesmaeker. Leurs différentes pièces chorégraphiques sont le résultat d’un processus de création qui mêle danse, musique, théâtre à partir d’observations et d’études de corps affectés dans nos sociétés contemporaines. Leur processus de création se construit à partir d’ateliers d’improvisation et de composition dansée qui leur permet  une porosité entre le corps et le monde. L’espace chorégraphique rend possible un temps commun dans lequel les participants s’approprient progressivement des savoirs propres au corps dansant et développent ainsi une potentialité de corps critique. Ce corps critique ouvre des horizons inédits pour repenser le monde dans l’écoute de son propre corps, de l’espace environnant et des autres pour tenter le collectif. Leur ambition chorégraphique et ce, depuis leur première pièce Rues Intérieures en 2014, est d’inventer des espaces de résistance tout autant que des espaces possibles d’émancipation qui permettent le surgissement d’un être au monde réinventé dans notre temps présent. Il y est toujours question d’invention de nouveaux rituels au sens de créer une communauté de l’instant. Il y est toujours question de danse et de théâtre.


Petit historique de Dodescaden

C’est au retour d’un voyage à Istanbul en 2012 que Laurence Maillot (danseuse et chorégraphe) et Jeremy Demesmaeker (danseur et musicien) créent la compagnie Dodescaden à partir de cette question : "comment le corps est-il affecté dans nos sociétés modernes ?" Par l’observation de ces corps, ils choisissent l'espace chorégraphique comme lieu d’'expérimentation et de documentation.

En 2014, « Rues Intérieures » marquera leur première création qui traite de l’état précaire, ce dénominateur commun chez les gens qui vivent dans la rue, chez les isolés, les vieux, les malades, les migrants, toutes des « personnes frontières » anonymes aux bans du monde. Pour cette pièce, Laurence et Jeremy obtiennent le prix de la Recherche aux Hivernales à Avignon et collaborent avec le philosophe Mattias Youchenko, le chorégraphe Michaël Allibert, la clown Nathalie Masseglia. Suivra avec la même équipe et l’artiste sonore Allister Sinclair « Karoshi, animal Laborans » en 2016 sur l’épuisement au travail où l’homme moderne est chosifié, transformé en denrée jetable joué aux Festival les Hivernales à Avignon et au KLAP Maison pour la Danse.

Avec la création « les Maitres Fous » présentée à la BnF François Mitterrand en 2017, Laurence et Jeremy réénactent les ressorts et les questionnements des Haoukas qui, filmés par Jean Rouch dans un Ghana à l’aube de la décolonisation, actualisent un rituel de possession traditionnel avec, comme nouveaux génies, les figures politiques anglaises au pouvoir. Cette pièce affirme un processus de création protéiforme tant dans les formes et modes de représentations au public et marque le début d’une collaboration avec le cinéaste-anthropologue Baptiste Buob (alors directeur du LESC-CNRS) et les sciences sociales. Ils coécrivent plusieurs articles académiques pour des revues et livres scientifiques et sont invités pour des colloques et séminaires.


En 2018, ils candidatent et intègrent le projet "RePiT (Re)play it again : reenactments et non-reconstituables » composé d’un comité de recherche art et science de 13 membres (artistes et chercheurs) au sein du Labex "Les Passés dans le présent" qui coproduit la pièce chorégraphique "Jellyselfish". Elle sera présentée la première fois en mai 2024 au CCA-Centre d’art contemporain de Glasgow, suivront d'autres dates (Marseille, Paris, Menton). « Jellyselfish" pour gelée d’égo questionne la représentation de soi à travers l’image, les écrans et les réseaux sociaux comme autant d’avatars de nous-mêmes.

Laurence et Jeremy présenteront également au CCA, "P.I.A" avec Vincent Rioux artiste codeur enseignant aux Beaux arts de Paris. Ce projet questionne les archives numériques dans un monde omnibulé par l'intelligence artificielle. De petits ordinateurs (Rasberry pie) rejouent la performance les Maîtres Fous à partir des archives de la création.


A la suite d’une formation continue pour chorégraphe au CND en 2018, Laurence crée le solo "Lemon Island" en 2019 où elle questionne son propre « Maloya » cette musique et danse de résistance réunionnaise comme métaphore de son rapport à la créolité, au racisme ordinaire, à la parole. Cette pièce jouée lors de l’événement « Migrations » en 2019 à Valbonne et au Klap juste avant la crise covid, sera reprise au Huntarian Museum de Glasgow pour l’évènement "Trembling Museum". Cet évènement fut l’occasion de rencontres exceptionnelles comme avec l’écrivain et cinéaste Manthia Diawara héritier de la pensée d’Édouard Glissant, Carl Lavery, enseignant chercheur en Performance Studies et écologie à l’Université de Glasgow. A la sortie de la crise Covid, Laurence, Nathalie et Jeremy créent en 2022 « Et Maintenant Alexandre », une pièce chorégraphique sur base clown-chorégraphique-absurde qui se présente sous la forme d'une conférence à partir de cette question : Et Maintenant ?

Par ailleurs, le partage du processus de création et leur expérimentation lors d'ateliers et workshop est une part non négligeable. La rencontre avec les différentes générations comme les étudiants de l'école d'art de Luminy, du département Théâtre à Glasgow ou du Master 2 en cinéma anthropologie à Nanterre, les personnes atteintes d'Alzheimer au PASA, les personnes atteintes de troubles psychique et physiques en ESAT est une incroyable confrontation des sensibilités et des savoirs d'une richesse exceptionnelle tant humaine qu'artistique.


Laurence Maillot - Dodescaden

Laurence MAILLOT

Laurence Maillot est née à St Pierre sur l’ile de la Réunion qu’elle quitte il y a 20 ans pour Marseille ; officiellement pour faire sa maitrise de biochimie, officieusement pour poursuivre son parcours de danseuse. Associant pratique et pensée, et forte de rencontres déterminantes (Julie Stanzak (Pina Bausch), Julyen Hamilton (composition instantanée), German Jauregui en partnering (danseur Wim Van De Keybus), Véronique Larcher (anatomie, analyse du mouvement, et danse contemporaine), Nathalie Pubelier (danse contemporaine), elle développe des outils autour de l’improvisation, de la construction corporelle et la composition chorégraphique qu’elle expérimente en création. Laurence oriente aujourd’hui sa recherche autour des notions de Corps – Corporéité – Corporalité et suit une formation en psychanalyse au sein de l’«École de la cause Freudienne » à Marseille et un master en “improvisation en danse”.

+ Long 
Laurence MAILLOT, est née à St Pierre de La Réunion, est une danseuse et chercheuse dont le travail explore les liens entre improvisation dansée, mémoire corporelle et processus d’émancipation. Après une maîtrise en biochimie en 2001, elle s’installe à Marseille et choisit une carrière artistique, enrichissant sa démarche par des perspectives croisées entre sciences et arts. Formée auprès de figures comme Julie Stanzak (danseuse pour Pina Bausch), Julyen Hamilton (composition instantanée), German Jauregui (danseur pour Wim Van De Keybus), Véronique Larcher (anatomie, analyse du mouvement et danse contemporaine) et Nathalie Pubelier (danse contemporaine), elle obtient son Diplôme d’État de danse et développe une approche singulière de l’improvisation et de la composition. En 2012, elle rejoint Jérémy Demesmaeker, avec qui elle fonde la compagnie « Dodescaden » et élabore une démarche interdisciplinaire, explorant les potentialités de la danse improvisée et de la mémoire corporelle comme outils de déconditionnement à travers la création de pièces chorégraphiques. En 2013, leur première création « Rues Intérieures » reçoit le prix de la recherche soulignant l’originalité de leur approche. Suivont « Karoshi » aux Hivernales d’Avignon en 2016, « Les Maitres Fous » à la BnF François Mitterrand en 2017. Avec son solo « Lemon Island » (2019), Laurence interroge sa créolité et les processus de décolonisation des imaginaires, en mêlant parole et mouvement. Parallèlement, elle anime des ateliers avec Jérémy Demesmaeker pour des publics variés – enfants, adolescents, adultes – ainsi que des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs, où elle explore la mémoire corporelle comme source vivante de sensibilité et d’expression. En 2022, elle intègre aussi la Cie L’Agit Théâtre (Les Ogres avec Adèle Haenel) à Toulouse comme danseuse et comédienne. En 2023, elle achève un second Master 2 Arts « Danse improvisée » à l’Université Côte d’Azur, où elle affine ses méthodologies d’analyse et de composition. Ses recherches, notamment autour de l’improvisation et des processus d’émancipation, ont donné lieu à plusieurs publications académiques dans des revues spécialisées, co-écrites avec Jérémy Demesmaeker. Aujourd’hui en étroite parallèle avec la création, elle entame une recherche sur « Mémoires incorporées à travers une généalogie familiale à la Réunion 1860-2027.

Jeremy Demesmaeker - Dodescaden

Jeremy DEMESMAEKER

Jeremy Demesmaeker est né à Namur en Belgique. Il arrive dans le sud de la France vers 11 ans. Il fait des études de théatre (Conservatoire de Marseille) et de musique (sax et percussion) en jazz (conservatoire Marseille classe jazz) et traditionnel malien (Bamako – Mare Sanogo - Ballet national) et ottomane (Ney à Istanbul – Hanefi Kirgiz). À partir de 1995 il joue, compose et arrange pour diverses personnes (Rona Hartner, Watcha Clan, Sibongile Mbambo). En 2004, il crée Dodescaden pour une recherche de transversalité et renouer avec le théâtre. Tout en s’initiant à la danse contemporaine avec Laurence Maillot, l’espace chorégraphique se présente alors à lui comme un lieu propice à la porosité des médiums et un véritable espace de réflexion. Dodescaden devient ainsi une compagnie chorégraphique qu’il co-dirige avec Laurence Maillot pour leur première création en 2014.

+ Long 
Jeremy DEMESMAEKER né à Namur en Belgique : 13 ans : internat au collège de Breil Sur Roya (06), beaucoup de sport, quelques cours de saxophone, trois années d'atelier théâtre, la rencontre d’une berger clarinettiste de jazz et du djembé dans une communauté hippie à Saorge (06). 16 ans : internat au lycée à Marseille pour faire A3 Théâtre, 18 ans : entrée au Conservatoire de théâtre Marseille (Raffaeli), et classe jazz au Conservatoire de Jazz Marseille (La Fuente). 15 ans (pendant 4 ans) : plongeur- saladier-aide cuisinier (Cannes, la Brigue), devient cuisinier vietnamien (Marseille, Aix) à 19 ans (3 ans) , puis cuisinier « méditerranéen » à la Vieille Charité, où il cuisine pour le festival de Marseille et au MAC (Musée d'art Contemporain) de Marseille (6 ans). Pendant le conservatoire de théâtre, il devient musicien accompagnateur en danse pour le D.E avec Michelle Ricozzi ; le contrebassiste guitariste Pascal Salé le forme en harmonie Jazz et fait ses premiers concerts jazz. De 1997 à 2000, Il intègre la cie de rue Karnavires, comme percussionniste et saxophoniste et devient intermittent du spectacle (1998). Il arrête le théâtre et la cuisine pour la musique. En 1999, Il part en tournée avec le groupe Watcha Clan. En 2002, il quitte le groupe et part à Bamako parfaire sa formation au sein du Ballet National du Mali et ballet Kelete. En 2004, il crée Dodescaden qu’il souhaite transdisciplinaire (musique et…). En 2005, il crée L'Homme Sac avec l'artiste Patrick Vallot et part en tournée au Brésil (San Paolo) avec SAMPACA. A son retour, il entre comme musicien accompagnateur au Ballet Preljocaj pour les chorégraphes invités (2005-2012). En 2006, Hep Taksim un groupe de musique moyen orientale l’invite comme musicien arrangeur et compositeur ; Il crée avec Laurence Maillot la pièce « Mon Père est un Loup » (2006) et le duo musique « Bains Douches » avec Mike Aubé. Il commence à danser avec Laurence Maillot en 2008 et créent « 2Solitudes » en 2009 pour le Festival de danse de Simiane (13). En 2007, il rencontre la chanteurse roumaine Rona Hartner (Gadjo Dillo), lui compose et arrange son album « Nationalité Vagabonde » avec Mike Aubé. Ils partent en tournée jusqu'en 2010. En parallèle, il crée « Ilanga » avec Sibongile Mbambo (Xhosa) dont il produit l’EP et la tournée. En 2012, il arrête les groupes de musique, il commence une formation d’acupuncture et de phytothérapie traditionnelle chinoise, il part avec Laurence à Istanbul pour apprendre la flute Ney avec le soufi Hanefi Kirgiz. A leur retour, novembre 2012, ils décide de se consacrer exclusivement à la création de Dodescaden qui devient une compagnie de danse contemporaine. Il y occupe les postes de musicien, danseur, producteur, scénographe, metteur en scène, chorégraphe et co-directeur artistique. Rues Intérieures est leur première pièce qui signe un mode de collaboration transdisciplinaires avec des penseurs chercheurs et artistes.

Nathalie Masseglia - Dodescaden

Nathalie MASSEGLIA

Après avoir obtenu un baccalauréat général et une licence d’histoire, elle devient enseignante dans le privé, un métier qu’elle abandonnera après « avoir pris sa retraite » à l’âge de 24 ans. C’est au collège qu’elle commence le théâtre, oeuvre comme marionnettiste au Théâtre Chou et développe progressivement sa carrière théâtrale.
La rencontre avec Olivier Debos lui permet de découvrir son clown. C’est un tournant dans sa vie artistique, un coup de foudre professionnel. En travaillant avec Debos pendant plus de 15 ans, Nathalie apprend le métier de clown. En 2000, ils décident de créer leur propre compagnie, l’Arpette, et développe et préserve les arts et la culture dans la vallée de la Roya où elle est née et vit. En 2004, son clown Mazarine apparait.
Elle développe aujourd’hui des spectacles qui se concentrent sur la vie dans la région de la Roya, abordant des sujets tels que l’immigration et les problèmes politiques. Nathalie s’inspire des événements de la « vraie vie », y compris la tempête Alex qui a frappé la région, pour faire vivre Mazarine. Tout est basé sur l’autodérision et le ridicule, mais toujours en partant du « centre de son monde » qu’est la Roya.  

©cieDodescaden

Baptiste BUOB


Baptiste Buob a été recruté au CNRS en 2010. Formé à la fois à l'anthropologie et au cinéma, il mène le plus souvent ses recherches caméra au poing et utilise le film comme mode de publication en parallèle de l'écrit. Par ses recherches et ses enseignements, il oeuvre à la promotion d'une pleine intégration des usages de la caméra à l'enquête ethnographique. Il intervient auprès de Dodescaden depuis la création de la performance « Les Maitres Fous » en 2016.  

©Baptiste Buob

Allister SINCLAIR

A 19 ans, elle rentre dans la Cie Tête à Texte et joue Quai Ouest de Koltès, Les Plaideurs de Racine. Elle devient comédienne marionnettiste dans la Cie du Théâtre Chou (théâtre jeune public). Après l’obtention d’une maîtrise d’histoire, elle devient enseignante. C’est avec la Cie Vis Fabula qu’elle se professionnalise et joue dans Orgasme adulte échappé du zoo de Dario Fo et Franca Rame, Les Caprices de Marianne de Musset. Dans Le Temps et la Chambre de Botho Strauss, co-produite par le Théâtre National de Nice, elle interprète le rôle titre. Elle découvre la Cie de l’Arpette en participant à la mise en scène des Frères Allures. Et co-écrit avec Olivier Debos Rose et Bonbon. Depuis, l'histoire continue et ne s'arrête plus. Son personnage – MAZARINE – naît dans Nez pas gourmand qui veut et évolue dans Les Venteux.En 2008, elle met en scène Arlequin valet de l'amour, une création dans la pure tradition italienne du masque. Ne dit-on d’ailleurs pas que « le nez de clown est le plus petit masque »... Elle intègre Trucmuche Cie en 2009 pour le spectacle Le Bal des Perdus, Office du Tourisme. Elle participe aussi au décalé Téléglou (vignettes vidéo de Laurent Barcelo) et chante pour le groupe 309 et des Poufettes (album sorti en 2009 « La Blounite»).

Michaël Allibert ©Remy Masseglia

Michaël ALLIBERT

D’abord formé en théâtre par Robert Condamin et Jacqueline Scalabrini (anciens élèves et compagnons de Jean Dasté), il aborde toutes les techniques du théâtre classique et contemporain, la danse vient plus tard, au départ, simplement pour améliorer sa conscience du corps. Il rencontre Marie-Christine Dal Farra avec qui il engagera un travail privilégié de plusieurs années. Il se lasse du théâtre, de ses codes, de son excès de discours et se consacre exclusivement à la danse en faisant de nombreux stages avec plusieurs chorégraphes puis une boucle est bouclée en rencontrant Jackie et Denis Taffanel avec lesquels il renouera avec la voix. En 2007, il crée son propre groupe, Trucmuche Compagnie et développe un travail transgenre de création contemporaine, entre danse, théâtre et masque. La compagnie est constituée de danseurs, de comédiens, de musiciens et cherche une articulation commune à ses différentes pratiques pour dire au plus juste, pour explorer « la bancalitude du monde ». Depuis 1999, il travaille pour plusieurs compagnies comme danseur, comédien, clown, manipulateur de marionnettes, assistant chorégraphe (Cie Les Rats Clandestins, Cie Reveïda, Cie Hanna R, Cie de L’Arpette, Divine Quincaillerie ou La Zouze – Cie Christophe Haleb) un peu partout en France et à l’étranger, jouant tout aussi bien dans des salles des fêtes, la rue ou des Centres Nationaux. Depuis 2011, il est artiste résident à L'L, lieu de recherche et d'accompagnement à la jeune création à Bruxelles. En 2012, la Sacd et le festival IN d’Avignon lui passe un commande dans le cadre des Sujets à Vif.

Technique : 

 

Manu BUTTNER

Régie générale et vidéo 


Raphaël Maulny

Régie générale et lumière


Clément GOGUILLOT

Création lumière, régie générale


Invités : 

Christophe Massot

Sociologue 


Matthias YOUCHENKO

Philosophe

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